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LE SOUVENIR FRANCAIS - COMITE CANTONAL DE CORBIE

LE SOUVENIR FRANCAIS - COMITE CANTONAL DE CORBIE

Le Souvenir Français Comité cantonal de Corbie a pour objet de conserver la mémoire de ceux et de celles qui sont morts pour la France au cours de son histoire ou qu'ils l'ont honorée par de belles actions, notamment en entretenant leurs tombes ainsi que les monuments élevés à leur gloire, tant en France qu'à l'Etranger,de transmettre le flambeau aux générations successives en leur inculquant, par le maintien du souvenir,le sens du devoir, l'amour de la Patrie et le respect des valeurs.


Récit d'un officier du 24ème RTS qui a combattu les 24 et 28 mai 1940 à AUBIGNY.

Publié par Souvenir Français-Comité cantonal de Corbie sur 9 Février 2011, 23:36pm

Catégories : #Février 2011

Bonjour,
Je suis le petit fils d'un officier du 24ème RTS qui a combattu les 24 et 28 mai 1940 à AUBIGNY.Voici le récit des combats que mon grand-père a rédigé pour le secrétariat de la guerre en Août 1940 qui se déroulèrent dans le secteur d'Aubigny les 24 et 28 mai 1940.
Je vous invite à visiter le site créé par mon fils qui retrace le parcours de mon grand-père qui en 1940 était S/Lt  au 24ème RTS et qui participa à ces combats du 24 et 28 mai: 
http://guilhemdelafavede.monsite-orange.fr/index.html
Bien cordialement, M. Pech Richard  

 

« La bataille d'AUBIGNY » 24 et 28 Mai 1940

 

Dans la mémoire collective en France, la Campagne de Mai-Juin 40 se résume par la percée allemande dans les Ardennes qui entraina l'effondrement de nos armées et la signature de l'armistice dans le wagon de Rethondes.

C'est oublier bien vite les 100000 soldats français qui firent le sacrifice de leur vie entre le 10  mai et le 25 juin 1940 ce qui correspond à un taux de pertes au moins égal sinon supérieur à celui des pires mois de la 1ère Guerre Mondiale.

C'est oublier que loin du cliché véhiculé par le cinéma avec les aventures de « la 7ème Cie », les  troupes  françaises se sont battues avec ardeur infligeant à la Wehrmacht de lourdes pertes.

Les exemples de cette vaillance ne manquent pas et nous aborderons ici l'un d'eux qui se déroula en terre picarde sur la Somme dans les environs d'Amiens à AUBIGNY les 24 et 28 mai 1940.

 

 

Le 10 mai 1940, la drôle de guerre, qualificatif né de la plume du journaliste Roland Dorgelès, prend subitement fin.10 divisions de Panzer et 126 divisions d'infanterie se mettent en marche et envahissent la Hollande, la Belgique et le Luxembourg. Les Blindés de Gudérian  traversent en 3 jours le massif des Ardennes jugé pourtant infranchissable pour des unités mécanisées et percent le front français à Sedan et Monthermé. Les divisions blindées, après avoir traversé la Meuse obliquent plein Ouest et foncent vers la baie de Somme qui est atteinte dès le 20 mai. Les armées françaises du Nord et le Corps expéditionnaire britannique aventurés en Belgique conformément aux plans élaborés par les alliés se retrouvent encerclés.

Le Général Gamelin pour qui la situation paraît désespérée dès le 17 mai est remplacé au poste de généralissime par le Général Weygand le 18 mai. Ce dernier doit rétablir une ligne de front s'appuyant sur la Somme. Des unités déployées à l'est derrière la Ligne Maginot sont déplacées en toute hâte par trains afin d'établir cette nouvelle ligne de défense. Elles sont renforcées par la  4ème DCR du colonel De Gaulle qui a déjà combattu dans l'Aisne afin de tenter en vain de s'opposer à l'avance des blindés allemands, et par de nouvelles unités blindées en cours de formation.

Du 20 mai au 4 juin, les Panzer divisions allemandes en pointe de l'offensive, occupant la nouvelle ligne de front bordée par la Somme sont progressivement remplacées par l'infanterie laquelle avait eu plus de mal à soutenir le rythme imposé par la « blitzkrieg ». Les divisions blindées allemandes ainsi relevées vont alors participer en conjonction avec les unités engagées en Hollande et Belgique

à la destruction des groupes d'armées Belges, Français et Britanniques pris en tenaille.

Au même moment les français organisent au sud  de la Somme une ligne de défense qui ne peut être solide que si elle s'appuie résolument sur ce Fleuve. Or, lors de leur marche vers la baie de Somme les allemands ont pris soin d'établir des têtes de pont au sud de ce cours d'eau.

Le 24 mai, la  4ème D.I.C, unité déplacée dans l'urgence de Lorraine, reçoit l'ordre de réduire l'une de  ses têtes de pont allemandes, située à l'est d'Amiens, laquelle s'appuie sur les villages de Fouilloy,  d'Aubigny et Corbie. Le 1er bataillon du 24ème RTS, unité rattachée à la 4ème DIC se voit désigner comme objectif  Aubigny, solidement occupé par les allemands lesquels ont adopté une position défensive  dans l'attente du retour des divisions de panzers occupées pour l'heure à réduire les troupes alliées encerclées dans le nord.

Cette unité est composée  essentiellement d'hommes issus de l'Afrique de l'ouest, Ouolofs du Sénégal, Toucouleurs du Mali, de Mauritanie et du Sénégal, Malinkés, Tomas et Peuls de Guinée, Mossis et Lobis de Haute Volta, Baoulés et Agnis de Côte d'Ivoire.

 

Le  Cdt Gélormini qui commande ce bataillon, dispose de ses 3 Cies de combat ainsi que d'une section de mitrailleuses et le groupe de mortier de 81 de la compagnie d'appui du bataillon. Le bataillon se déploie le 23 mai à 4H00 sur un front de 6 km en arc de cercle au sud d'AUBIGNY.

Le mouvement du bataillon n'est pas passé inaperçu dans le camp adverse. La 3ème Cie qui se met en place au bois de l'Abbé aperçoit un véhicule allemand qui s'éloigne à grande vitesse (Très certainement, des soldats installés en « sonnette »). Quelques minutes plus tard un tir d'artillerie s'abat sur le bois endommageant la voiture de liaison du bataillon.

Le 24 mai à 1HOO, le Cdt Gélormini est convoqué au PC de la Division installé à CACHY. Le général Tranchant, commandant l'infanterie  divisionnaire dévoile l'ordre d'attaque: Au lever du jour, un bataillon du 16ème RTS et le 1/24ème RTS attaquent. Pour ce dernier l'objectif fixé est AUBIGNY. Deux batteries de 75 et des chars d'accompagnement appuieront l'attaque.

A 3H00, Le Cdt Gélormini  fait le tour de ses différents PC leur donnant ses ordres et rendant compte de la situation à ses commandants de compagnie.

A 6H00, les unités sont en position sur leur base de départ , mais comme la veille les guetteurs allemands ont décelé les mouvements nocturnes du bataillon et à 7HOO une vague de bombardiers en piqués Stukas bombarde les positions françaises détruisant une partie du groupe  d'engins du bataillon.

A 8H00, le Cdt Gélormini est à nouveau convoqué au PC de la Division. Il y apprend que les chars promis ne sont pas disponibles. L'attaque ne bénéficiera donc que de l'appui de 2 batteries de 75 et se déclenchera à 9H20.

A l'heure dite, sur l'ensemble du front du bataillon, des coups de sifflets annonçant le début de l'attaque retentissent. Aussitôt les voltigeurs de la 2ème Cie à gauche du dispositif et de la 3ème Cie

déployée à droite bondissent des positions de départ. Le Cdt Gélormini et son PC suivent en arrière.

La 1ère Cie, placée en réserve suit le mouvement. Les unités progressent durant une quinzaine de minutes sans la moindre réaction allemande, puis soudain un barrage d'artillerie se déclenche occasionnant des pertes dans les rangs des voltigeurs. Les brancardiers commencent les évacuations des blessés. L'artillerie allemande manifestement bien renseignée par un observateur, règle son tir en fonction de la progression de l'adversaire. Malgré tout le mouvement en avant se poursuit. Afin de briser l'élan français, les allemands font intervenir la luftwaffe. 30 à 40 appareils survolent le champ de bataille bombardant et mitraillant les fantassins français. La progression stoppée nette durant cette attaque aérienne reprend et l'échelon de tête parvient à 300 mètres du village. Les soldats de la XIIIème I.D motorisée allemande retranchés dans le village déclenchent alors un barrage d'armes automatiques et d'artillerie d'une intensité  effrayante. La plupart des chefs de sections sont mis hors combat, tués ou blessés. Les hommes sont tous cloués au sol. Le Cdt Gélormini comprend que l'attaque va échouer. Il prend alors la tête de la 1ère Cie placée en réserve et court vers le premier échelon malgré les balles qui sifflent et les obus qui éclatent. Au cri de « en avant » il s'élance vers le village emmenant avec lui tout le bataillon qui d'un bond s'en empare. Il faut ensuite mettre en place la défense du village. Pour cela le Cdt Gélormini fait un rapide décompte des effectifs valides: 120 hommes. Le bataillon  a perdu  254 hommes soit près de 50% de l'effectif engagé; Parmi eux, le Lt Moriba DOUMBIA, un des deux officiers noirs du régiment, mortellement blessé aux cotés de son chef de bataillon. 

Durant toute la journée du 24, le bataillon va repousser les contre attaques allemandes. Cependant la situation devient critique. A droite l'attaque du 16ème RTS a échoué. A gauche, les allemands progressent et encerclent le village. Les Stukas et l'artillerie allemande bombardent les positions de départ du bataillon semant le désordre dans le système logistique. Les défenseurs d'AUBIGNY manquent de munitions et d'armes automatiques. 4 mitrailleuses sur les 12 du départ  sont en état de marche. Dans la soirée 2 ordres de repli émanant du colonel du 16ème et celui du 24ème RTS parviennent au PC de Gélormini. Après un combat de rue qui inflige de nombreuses pertes aux allemands, le bataillon force l'étreinte et regagne ses positions de départ.

Les pertes sévères subies par les unités allemandes engagées dans le secteur d'Aubigny vont entraîner les premiers actes connus de barbarie de la Wehrmacht envers les soldats noirs, achevant les tirailleurs blessés qui n'avaient pu être évacués ou ceux qui n'avaient pu regagner leurs lignes.

Le 28 mai 1940 un nouvel ordre d'attaque est donné au 1èr bat. Du 24ème RTS qui du fait des combats du 24 a du être recomplété d'éléments en provenance de toutes les unités du régiment.

L'attaque débute à 19H10 par un raid de bombardiers français qui survolent le bataillon sous les cris de joie des tirailleurs et vont lâcher leurs bombes sur le village de ….FOUILLOY.

Les 75 ne se trompent pas d'objectif et bombardent la lisière du village d'Aubigny. Cette préparation d'artillerie aux résultats minimes, terminée, le bataillon s'élance vers le village. Le scénario du 24 se

réédite; Un barrage d'artillerie toujours aussi bien réglé vient disloquer l'échelon de tête.

A 20H00 l'attaque est stoppée aux abords du village par un tir intensif d'infanterie et d'artillerie.

Les balles traçantes utilisées par les allemands permettent aux tirailleurs de deviner sans   pour autant les voir,  l'emplacement des armes automatiques camouflées dans les champs de blé et derrière les buissons et des haies.

A 20H30, les 13 R35 et R4O de la 3ème Cie du 4Oème BCC. vient se joindre à l'attaque. Le Cdt Gélormini les guide vers un champ de blé. Les armes automatiques qui y sont retranchées sont rapidement neutralisées par les canons et les mitrailleuses des chars. Le Cdt Gélormini désigne ensuite aux chars de nouveaux objectifs qui semblent être occupés par des nids de mitrailleuses. Cependant la nuit commençant à tomber les blindés ouvrent le feu sur les tirailleurs qui progressaient en rampant. Le Cdt Gélormini s'apercevant de cette méprise court au devant des chars et fait cesser le feu à l'aide de grands gestes. L'obscurité qui recouvre le champ de bataille empêchant de distinguer les unités françaises de l'ennemi, ordre est donné aux chars de regagner l'arrière. Malgré un feu nourri et précis des armes anti chars allemandes, comme le rapporte le journal de marche du bataillon, aucun char n'a été mis hors de combat mais 7 épiscopes ont été brisés et le commandant de la Cie, le Lt QUIGNARD fut gravement blessé au visage lorsque un projectile vint frapper l'épiscope de son char.

Contrairement au 24 mai, les allemands n'attendent pas de perdre le village pour contre attaquer. A 21 HOO,  ils repoussent les Cies de tête les menaçant d'encerclement. Cette contre attaque oblige le Cdt Gélormini  à se réorganiser défensivement. Comme le 24 mai, la plupart des chefs de sections ont été mis hors de combat.

A 2HOO le 29 mai, après avoir résisté à la pression allemande, le Cdt Gélormini donne l'ordre au bataillon de regagner l'abri des positions de départ.

Cette opération aura coûté au bataillon 50 hommes. Elle sera la dernière action offensive de cette unité. Le 4 juin 40, les divisions blindées allemandes ayant réduit la poche de Dunkerque,  peuvent désormais participer à la deuxième phase de l'offensive et se concentrer sur la Somme pour percer les lignes françaises. Le 7 juin 40, le 1er bataillon du 24ème RTS, redéployé sur les bords de l'Oise pour protéger le repli de la division (4ème DIC)  réduit à 300 hommes, remplira sa mission

au prix du tiers de son effectif. Le 9 juin le bataillon arrive vers 16HOO à Ravenel dans l'Oise et subit un bombardement d'artillerie au cours duquel le Cdt Gélormini est blessé. Il refuse d'être évacué. « Je ne puis quitter mon bataillon » rétorque t’il au médecin chef, le Lt Hollecker, qui veut le faire monter dans la Simca 5 de liaison.

Le repli du bataillon se poursuit et vers 17H00 il investit le village d'Angivillers (60) avec les restes du régiment qui occupe le secteur Angivillers-Erquinvillers (60) et se met en position défensive. Durant la nuit, les allemands conscients qu'une attaque frontale d'un dispositif défensif en hérisson leur coûterait des pertes sévères, ont préféré contourner les deux villages et les encercler.

Ils se contentent d'écraser les défenseurs sous  un déluge de bombes.

Le 10 juin à 1H00 du matin, le colonel commandant le 24ème RTS donne l'ordre de percer en direction du sud. Des détachements de tirailleurs chacun sous les ordres d'un officier sont constitués. Les cas de massacres de prisonniers et de blessés parmi les tirailleurs noirs perpétrés par les allemands ayant été rapportés, les consignes sont données aux officiers afin qu'ils fassent le maximum pour sauver leurs hommes d'une capture synonyme de mort certaine.

Seule une poignée d'hommes du 24ème RTS parviendra à traverser les lignes allemandes et regagner au sud de CREIL une ligne de défense tenue par le 16ème RTS (les Cdt GELORMINI et SEGUIN, le s/lt PECH et 80  tirailleurs dont le sergent Pinana DRABO, futur Colonel et concepteur de l'armée nationale du MALI).

Après 18 jours de combat le 24ème RTS avait cessé d'exister.

 

Puisse le temps ne pas effacer de nos mémoires le sacrifice de ces hommes venus d'Afrique  qui reposent à jamais dans la terre Picarde après avoir donné leur vie pour préserver notre liberté.

 

                                           PECH Richard  (petit fils du S/Lt PECH Fernand du 1/24ème RTS)

 

 

 

Ce texte a pu être rédigé à partir du compte rendu des combats d'Aubigny fait par le Sous- Lieutenant PECH Fernand, officier responsable des transmissions du 1er bataillon du 24ème RTS et grâce au journal de marche du 40ème BCC (bataillon de chars de combat qui participa à  l'attaque du 28 mai 40).

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  Mon arrière grand père paternel. le capitaine Fernand Pech

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